J’ai reçu ce message dans ma boîte mail un matin, ce matin en fait…
J’avais déjà écrit cet article dans la journée d’hier… Je ne sais pas, le hasard peut-être ?
« Christelle, chère Christelle,
A dessein j’utilise cet adjectif, non pas celui qui vient des autres (ceux que tu aimes et ceux qui te connaissent et t’aiment) mais celui qui te revient naturellement qui t’appartient au plus profond de toi et à qui tu ne dois jamais oublier de t’adresser. Tu es d’autant plus chère et précieuse pour les autres que tu l’es pour toi-même.
A entendre l’autre soir ta grande détresse après une journée – précédées de toutes les autres depuis des mois sinon des années – au cours de laquelle un malade a entrepris (ou non) de te démolir, parce qu’il ne se supporte pas lui-même, je pensais qu’il fallait que la souffrance en toi ait atteint un seuil intolérable pour que tu en finisses par douter de tes capacités, de ta valeur, de tes richesses inestimables.
Je trouve cela tragique et ne peux m’empêcher de t’en faire part. Pas pour nous laisser enliser dans la tragédie car je voudrais surtout essayer de t’aider à analyser la situation. Dans une relation, tu le sais, il y a soi et l’autre. Pour l’autre on ne peux rien. Il n’y a donc que soi que l’on peut aider en cherchant à mieux nous connaître.
(…)
C’est à dire retrouver cette assurance inébranlable que ta personnalité, tous tes acquis depuis ta naissance, toutes ces richesses qui font ce que tu es sont inaliénables, indestructibles sauf à te laisser envahir, saper par ce que les autres veulent introduire en toi (consciemment ou non) de leurs propres blessures, leurs manques et leurs déviances. Il faut retrouver cette auto-défense qui nous rend invulnérable à l’attaque des autres.«
J’ai décidé de ranger, pour mettre de l’ordre …
Mettre chaque chose à sa place…
Ne pas me laisser retourner le cerveau comme ils sont en train d’essayer de le faire…
J’ai essayé de me retrouver…
Retrouver celle que je suis vraiment.
Alors, j’ai commencé par mon bureau.
J’ai jeté une quantité de choses inutiles incroyables ! A commencer par tout ce qui représente mon travail, et qui a trop empiété sur le domaine de ma vie privée ces dernières années.
Et j’ai gardé sur mon bureau :
– un petit nœud rouge en soie à accrocher à ma veste le 1er décembre de chaque année,
– ma première calculatrice Texas Instrument que j’ai depuis le Cours Elémentaire, solaire (comme quoi, le solaire c’est durable…),
– le couvercle d’une boîte de pellicule 16 mm Kodak qui me sert à contenir toutes les cartes de visites que j’ai, les trombones, les petits trucs que je ne sais pas où mettre,
– une grosse pile de carnet d’écriture, dans lesquels j’inscris toutes mes pensées, mes réflexions, et parfois mes secrets,
– ma vieille carte orange avec son petit plan bien pratique qui sauve des coups dans les couloirs du métro parisien et que tout le monde m’envie (la RATP n’en distribue plus !),
– un calendrier perpétuel de marin en marbre et cuivre que j’ai trouvé dans un vide-grenier et qui me sert parfois de presse-papier,
– des boîtes de cartouche d’encre noire, Parker et Waterman, en fonction du stylo plume que j’utilise pour écrire dans mes carnets,
– des boîtes en bois, matériau noble, qui conservent mes souvenirs les plus précieux, et quelques babioles dont je ne peux pas me séparer (un briquet que j’utilisais quand je travaillais sur les tournages, une ancienne paire de lunettes, des cœurs pleins en laiton – une vraie arme de guerre – des stylos que j’ai depuis toujours, des badges),
– deux trousses « Ben » dont une qui contient le « Matériel à création », c’est-à-dire des crayons de couleur, des feutres de couleur. L’autre, plus petite, moins encombrante, contient des stylos pour écrire (toujours sur les carnets),
– deux pots pleins de crayons : un qui contenait un joli bouquet de roses que mon équipe m’a offert pour mon anniversaire, et l’autre que j’ai depuis toujours sur lequel j’ai collé une photo de moi et ma grand-mère,
– une carte postale d’un tableau de Pierre Soulages, que j’aime particulièrement et que j’ai eu le plaisir de voir à Beaubourg, l’année dernière, lors de l’exposition consacrée à l’artiste,
– un badge de la semaine européenne de la réduction des déchets (nous avions pour ambition d’obtenir le prix européen cette année et qui nous a échappé de peu l’année dernière, mais je n’ai pas la force de m’y consacrer comme je le voudrai),
– mon bon pour me faire vacciner gratuitement contre le virus H1N1 que je n’ai, bien sûr, jamais utilisé,
– un bon pour aller me faire chouchouter dans un salon de massage que m’ont offert deux de mes amis, (et néanmoins collègues) pour mon anniversaire mais dont je n’ai pas encore profité,
– deux photos en noir et blanc, des gens qui me manquent : mon père et mes grand-parents maternels. Ils sont toujours avec moi de toute façon,
– une partition de piano « River flows in you » de Yiruma que je travaillais avant qu’on ne loue notre piano à une collègue de travail,
– une pince à cheveux, celle que j’avais oubliée, accrochée à un fauteuil de la salle du conseil,
– un numéro du monde diplomatique de 2008 qui titre « Le jour où Wall Street est devenu socialiste », ça me fait doucement sourire, comme si c’était possible !
– une photo de moi prise sur la plage de Cannes lors de l’été 1995,
– la déclaration de cession de ma voiture, que j’ai donnée à un couple d’ami, ce qui m’a valu le regard désespéré de mon banquier quand je lui ai dit. Mais, on ne doit pas avoir les mêmes valeurs, lui et moi !
– des états de frais pour quelques ordres de mission réalisé dans le cadre de mon boulot,
– un courrier de dépôt de plainte à l’attention de Monsieur le procureur de la république de Marseille, que je n’ai jamais envoyé,
– la carte des vins de Saint-Emilion. Les gens qui me connaissent savent à quel point j’aime le bon vin !
– le récépissé d’adhésion à l’association de mon quartier,
– une photo de ma Fannette et petit Lu, que j’aime tellement,
– une carte d’une exposition saisissante de Duane Hanson, vue à La Villette cette année !
– trois cartes de l’exposition de Pascal Croci, que j’ai adorée,
– un numéro de Libé, qui date de 2003, à l’époque où je lisais encore Libé, car il y a un article dessus sur le rassemblement sur le Larzac de 2003, où se sont retrouvés tous ceux qui pensaient qu’un autre monde est possible et où j’ai eu le grand plaisir d’y rencontrer Daniel Mermet,
– une photo de moi, en noir en blanc, où je suis en train de lire au bord des falaises d’Etretat, beau souvenir aussi,
– l’adresse mail de Laurent (le brigand, ceux qui savent comprendront !) écrite sur une convocation du Centre de Gestion, à qui il faut absolument que j’envoie ce que je lui ai promis, mais je n’en ai jamais le temps,
– le programme d’une exposition photo « La Subversion des images » vue, elle aussi, à Beaubourg,
– des autocollants avec des mots gentils dessus à coller un peu partout !
– mon carnet du syndiqué à la CGT,
– des aimants achetés à New York et que je ne me résous pas à apposer sur mon frigo ;
– un carnet d’écriture que m’a offert mon amoureux,
– une bibliographie à l’attention des enfants, qu’a réalisée une amie, brillante dans sa spécialité, intitulée « petites casseroles et grandes marmites »,
– la présentation d’une exposition « Homme – Femme , de quel sexe êtes-vous ? » vue à Nancy et que j’aimerai bien faire venir ici, dans le cade du planning familial,
– deux autocollants « Car Grip Film » et « Cinécam », souvenirs d’une autre époque,
– un ticket de métro vert, bien usé…
– un paquet de cigarette « Benson Hedges » et un briquet, qu’un ami m’avait donné quand il a décidé d’arrêter… depuis, il a repris… Dommage…
– un currriculum vitae et une lettre de motivation que je n’ai jamais pu faire passer,
– la copie d’un courrier, daté du 8 novembre 1944, sur lequel je travaille afin de ne pas oublier quelle a été ma famille, mentionnant : « Nous soussigné, Lt Colonel Journet, Cdt la subdivision militaire de Rodez, certifie après enquête que le nommé Michel XXXXXXXX, faisait partie de la résistance. Le 25 juillet 1944, il a été arrêté par 3 officiers de la Gestapo, conduits par une dénonciation. S’étant montré réticent pour suivre ces individus, il a été abattu sur place. »
– Un formulaire de recommandé avec accusé de réception… sur lequel il me suffirait d’inscrire « Monsieur le Président »… Car ils m’ont retourné le cerveau… La lettre est prête, il me suffit de la signer et de coller sur l’enveloppe ce recommandé et d’inscrire dessus « Monsieur le Président… »…
Sur les étagères, il y a des photos encore :
– Une photo de ma grand-mère,
– une photo de moi avec Hubert Rives,
– une photo d’un ami…
– Des photos du rugby qui datent de plus de dix ans maintenant et qu’il faut que je donne à Ludovic si je le vois au Rugby aujourd’hui…
Et derrière mon bureau, il y a des livres qui parlent de tout.
Il y a des livres sur les lieux et les villes où je suis allée, lors de mes voyages.
Des livres sur la société, sur le féminisme, l’égalité des droits homme/femme.
Des livres qui traitent de religion (de toutes les religions), de politique, de sociologie, d’écologie, d’analyse des médias, de désobéissance civile…
Beaucoup de livres d’histoire (j’adore l’Histoire), de cinéma et de photographies.
Des livres sur les roulottes tziganes (ceux qui me connaissent savent pourquoi).
Des romans, des essais…
Et finalement, grâce à tout cela, je sais qui je suis… Je suis tout ça réuni…
Une femme engagée, fière d’avoir des opinions, de les faire savoir, de les défendre.
Une femme qui aime la vie, la culture, les livres, la musique, le cinéma.
Une femme qui n’a jamais cessé de travailler son esprit critique, de débattre, d’inciter au libre arbitre.
Une femme qui a envie de faire avec les autres, qui se soucie des autres.
Une femme qui se remet en question et qui essaie de s’améliorer chaque jour qui passe.
Une femme à qui on a appris la tolérance, la défense de la justice, le combat contre l’injustice,
Une femme qui n’oublie pas…
Je suis tout ça, intègre et incorruptible, avec mes qualités et mes défauts, avec mon envie de trop bien faire, mais au moins avec cette envie de faire, de ne pas subir, de ne jamais me résigner.Je suis tout ça avec aujourd’hui ce profond sentiment d’injustice face à ce qu’on me fait.
Je ne suis donc rien de tout ce qu’ils disent. Il ne faut pas que je perde de vue ça… Je ne suis rien de tout ce qu’ils disent.
Merci mon ami, qui a pris le temps de m’écrire que même en une phrase tu pouvais avoir compris la souffrance dans laquelle je me trouve. Merci de m’inciter à me retrouver.