Articles de octobre 2010

Vivre au jour le jour mais avec juste un temps d’avance

Il y a des soirs où vous croisez des revenants qui reviennent de très très loin et qui reviennent avec des souvenirs.

Et les souvenirs parfois, ça fout de sacrées claques !

J’en ai prise une ce matin, tout droit sortie de ma boîte à secrets, car il m’a été donné la grande chance d’avoir des écrits qui me sont dédiés, et que j’ai scrupuleusement conservés (je sais que si leur auteur passe par là, il saura ne pas m’en vouloir)

« Pourtant, ce soir là, il ressentait le besoin de se retrouver dans son univers. Son monde à lui. Son havre de paix et de tranquillité. Il aurait aimé profiter du pâle ensoleillement de cette fin de journée pour retrouver sa cinéaste, reporter à ses heures, pour discuter devant…lui ne savait pas trop, indécis, mais s’afficherait certainement un muscat sur la table. Cette boisson, trop sucrée et très souvent servie par Xav’ aurait focalisé son regard pendant qu’il lui parlait, comme à son habitude. Il savait que pour se concentrer et poser chacun de ses sentiments sans commettre un impair de langage qui ne pardonnerait peut être jamais s’il s’avérait important, il devait bloquer son regard sur  une particularité dont il se fichait éperdument, même si parfois elle pouvait être bien ou mal choisie selon les situations. Pourquoi ? Demanderait-il à Xav’ qui a sûrement une explication en tant que barman ? Non. Idée stupide. Il se contenterait de se l’entendre remarquer et modifier.

Il aimerait la fixer droit dans les yeux et lui dire « …

L’écrit devrait l’aider mais il n’en ressentait pas la nécessité. Un feeling. Une impression. Une attirance. Peut être une folie, un coup de tête. Peut être une envie, une passion. Il s’en fichait. Il voulait vivre la vie au jour le jour mais avec un temps d’avance sur lui-même. Pourtant, il ne pouvait s’y résoudre. Sans anticiper, mais suivre cette sensation de bien être. Ça faisait longtemps. Non pas la sensation, mais le chemin d’accès à celle-ci. Lieu, temps, moment, sentiment. Belle alchimie. Xav’ devait servir sa dernière bière et demander le départ des consommateurs. Il ne lui restait plus beaucoup de temps, il le savait.

Il hésita.

Puis il osa.

« On y va ? » »

J’étais bien trop jeune quand je me demandai ce que je faisais là, chez toi, dans cette chambre, à t’écouter me dire que j’étais belle. Oh non, pas belle comme les autres, mais « belle de l’intérieur ». Et cette nuit là, à mon grand étonnement, tu ne l’as passée qu’à me regarder. Maintenant, je souris de tout ça. Je me dis que j’étais sûrement plus belle avant que maintenant, que trop de choses m’ont changée.

Si j’avais su, à ce moment là, que je revivrais ces mêmes moments avec d’autres. Ces mêmes regards, cette même envie, ce même plaisir… Cette même impression de tristesse qui, au final, n’en est pas vraiment.

J’en ai croisé trop des hommes comme toi mais quel délice de les croiser seulement pour quelques soirs, et de se sentir libre le lendemain matin comme tu me l’as fait ressentir. Tu as finalement été l’original de ces copies conformes, aux regards invariablement les mêmes !

Maintenant encore, je me confronte trop souvent à ces regards, ces sourires séducteurs, calculés, bien rodés. Et même si je mets en échec toutes ces tentatives et que rien ne se passe, je garderai des souvenirs bien particuliers de ces hommes au regard invariable.

On s’est croisé un soir, et tu m’as dit « Méfies toi, cet homme n’est pas pour toi ». Mais tu ne l’étais pas non plus. Ensuite, tu m’as dit qu’on aurait pu s’aimer. J’ai vu dans ton regard et ton sourire la même expression que le soir où je t’ai suivi sous la neige. Mais il était déjà trop tard. Ne pas revenir sur ce qui aurait pu être une belle et longue histoire puisqu’elle n’a pas marché.

Mais, il y a des gens qui manquent, des gens que l’on regrette, des choses que l’on a oubliées de dire, des sourires qui n’étaient pas assez insistants et des gens à qui on oublié de dire merci. Alors, merci d’avoir été l’original de ces histoires éphémères qui me font sourire, qui me font oublier le reste si futile, si inutile, qui me fait monter les larmes aux yeux parfois… Merci d’avoir croisé mon chemin et de ne t’être arrêté qu’un court instant, de m’avoir frôlée, touchée, embrassée et de m’avoir rendue à la liberté. Il y a des gens qui manquent, indéniablement. Il y a des gens qui veulent oublier tout ça, pas moi… Peut être parce qu’on les a ratés, parce qu’on est passé à côté, alors qu’ils auraient pu nous rendre heureux.

Il y aussi des gens qu’on retrouve plus tard, des gens contre qui on voudrait se blottir parfois, parce que ça connote les instants de bonheur qu’on a partagé un jour, ou un soir. Et il y a des souvenirs qui font monter les larmes aux yeux, parce que c’est comme ça, même si on ne voudrait pas. Il y a des gens qui nous affirment qu’on ne leur a pas fait mal, et qui avouent un jour, tout simplement. Il y a des gens qui n’ont pas besoin des autres pour avoir mal.

Alors je voulais te dire que je n’avais pas oublié, que parfois j’y pense, que je n’ai pas de regrets, que je sais que tu aimes bien quand je suis sentimentale, mais qu’au fond je ne le suis pas vraiment.

Mais quand même… : Il me reste des souvenirs pleins de couleurs : le blanc de la neige qui tombe, les murs de ta chambre léchés par le halo vert du réveil, le miel du muscat, le rouge de mon écharpe qui volait au vent, le bleu de tes yeux… Puis des odeurs, des images, des fous rires et des frissons…

K.

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Inventaire d’auto-défense prévertien

J’ai reçu ce message dans ma boîte mail un matin, ce matin en fait…
J’avais déjà écrit cet article dans la journée d’hier… Je ne sais pas, le hasard peut-être ?

« Christelle, chère Christelle,
A dessein j’utilise cet adjectif, non pas celui qui vient des autres (ceux que tu aimes et ceux qui te connaissent et t’aiment) mais celui qui te revient naturellement qui t’appartient au plus profond de toi et à qui tu ne dois jamais oublier de t’adresser. Tu es d’autant plus chère et précieuse pour les autres que tu l’es pour toi-même.
A entendre l’autre soir ta grande détresse après une journée – précédées de toutes les autres depuis des mois sinon des années – au cours de laquelle un malade a entrepris (ou non) de te démolir, parce qu’il ne se supporte pas lui-même, je pensais qu’il fallait que la souffrance en toi ait atteint un seuil intolérable pour que tu en finisses par douter de tes capacités, de ta valeur, de tes richesses inestimables.
Je trouve cela tragique et ne peux m’empêcher de t’en faire part. Pas pour nous laisser enliser dans la tragédie car je voudrais surtout essayer de t’aider à analyser la situation. Dans une relation, tu le sais, il y a soi et l’autre. Pour l’autre on ne peux rien. Il n’y a donc que soi que l’on peut aider en cherchant à mieux nous connaître.
(…)
C’est à dire retrouver cette assurance inébranlable que ta personnalité, tous tes acquis depuis ta naissance, toutes ces richesses qui font ce que tu es sont inaliénables, indestructibles sauf à te laisser envahir, saper par ce que les autres veulent introduire en toi (consciemment ou non) de leurs propres blessures, leurs manques et leurs déviances. Il faut retrouver cette auto-défense qui nous rend invulnérable à l’attaque des autres.« 

J’ai décidé de ranger, pour mettre de l’ordre …

Mettre chaque chose à sa place…

Ne pas me laisser retourner le cerveau comme ils sont en train d’essayer de le faire…

J’ai essayé de me retrouver…

Retrouver celle que je suis vraiment.

Alors, j’ai commencé par mon bureau.

J’ai jeté une quantité de choses inutiles incroyables ! A commencer par tout ce qui représente mon travail, et qui a trop empiété sur le domaine de ma vie privée ces dernières années.

Et j’ai gardé sur mon bureau :

–          un petit nœud rouge en soie à accrocher à ma veste le 1er décembre de chaque année,

–          ma première calculatrice Texas Instrument que j’ai depuis le Cours Elémentaire, solaire (comme quoi, le solaire c’est durable…),

–          le couvercle d’une boîte de pellicule 16 mm Kodak qui me sert à contenir toutes les cartes de visites que j’ai, les trombones, les petits trucs que je ne sais pas où mettre,

–          une grosse pile de carnet d’écriture, dans lesquels j’inscris toutes mes pensées, mes réflexions, et parfois mes secrets,

–          ma vieille carte orange avec son petit plan bien pratique qui sauve des coups dans les couloirs du métro parisien et que tout le monde m’envie (la RATP n’en distribue plus !),

–          un calendrier perpétuel de marin en marbre et cuivre que j’ai trouvé dans un vide-grenier et qui me sert parfois de presse-papier,

–          des boîtes de cartouche d’encre noire, Parker et Waterman, en fonction du stylo plume que j’utilise pour écrire dans mes carnets,

–          des boîtes en bois, matériau noble, qui conservent mes souvenirs les plus précieux, et quelques babioles dont je ne peux pas me séparer (un briquet que j’utilisais quand je travaillais sur les tournages, une ancienne paire de lunettes, des cœurs pleins en laiton – une vraie arme de guerre – des stylos que j’ai depuis toujours, des badges),

–          deux trousses « Ben » dont une qui contient le « Matériel à création », c’est-à-dire des crayons de couleur, des feutres de couleur. L’autre, plus petite, moins encombrante, contient des stylos pour écrire (toujours sur les carnets),

–          deux pots pleins de crayons : un qui contenait un joli bouquet de roses que mon équipe m’a offert pour mon anniversaire, et l’autre que j’ai depuis toujours sur lequel j’ai collé une photo de moi et ma grand-mère,

–          une carte postale d’un tableau de Pierre Soulages, que j’aime particulièrement et que j’ai eu le plaisir de voir à Beaubourg, l’année dernière, lors de l’exposition consacrée à l’artiste,

–          un badge de la semaine européenne de la réduction des déchets (nous avions pour ambition d’obtenir le prix européen cette année et qui nous a échappé de peu l’année dernière, mais je n’ai pas la force de m’y consacrer comme je le voudrai),

–          mon bon pour me faire vacciner gratuitement contre le virus H1N1 que je n’ai, bien sûr, jamais utilisé,

–          un bon pour aller me faire chouchouter dans un salon de massage que m’ont offert deux de mes amis, (et néanmoins collègues) pour mon anniversaire mais dont je n’ai pas encore profité,

–          deux photos en noir et blanc, des gens qui me manquent : mon père et mes grand-parents maternels. Ils sont toujours avec moi de toute façon,

–          une partition de piano « River flows in you » de Yiruma que je travaillais avant qu’on ne loue notre piano à une collègue de travail,

–          une pince à cheveux, celle que j’avais oubliée, accrochée à un fauteuil de la salle du conseil,

–          un numéro du monde diplomatique de 2008 qui titre « Le jour où Wall Street est devenu socialiste », ça me fait doucement sourire, comme si c’était possible !

–          une photo de moi prise sur la plage de Cannes lors de l’été 1995,

–          la déclaration de cession de ma voiture, que j’ai donnée à un couple d’ami, ce qui m’a valu le regard désespéré de mon banquier quand je lui ai dit. Mais, on ne doit pas avoir les mêmes valeurs, lui et moi !

–          des états de frais pour quelques ordres de mission réalisé dans le cadre de mon boulot,

–          un courrier de dépôt de plainte à l’attention de Monsieur le procureur de la république de Marseille, que je n’ai jamais envoyé,

–          la carte des vins de Saint-Emilion. Les gens qui me connaissent savent à quel point j’aime le bon vin !

–          le récépissé d’adhésion à l’association de mon quartier,

–          une photo de ma Fannette et petit Lu, que j’aime tellement,

–          une carte d’une exposition saisissante de Duane Hanson, vue à La Villette cette année !

–          trois cartes de l’exposition de Pascal Croci, que j’ai adorée,

–          un numéro de Libé, qui date de 2003, à l’époque où je lisais encore Libé, car il y a un article dessus sur le rassemblement sur le Larzac de 2003, où se sont retrouvés tous ceux qui pensaient qu’un autre monde est possible et où j’ai eu le grand plaisir d’y rencontrer Daniel Mermet,

–          une photo de moi, en noir en blanc, où je suis en train de lire au bord des falaises d’Etretat, beau souvenir aussi,

–          l’adresse mail de Laurent (le brigand, ceux qui savent comprendront !) écrite sur une convocation du Centre de Gestion, à qui il faut absolument que j’envoie ce que je lui ai promis, mais je n’en ai jamais le temps,

–          le programme d’une exposition photo « La Subversion des images » vue, elle aussi, à Beaubourg,

–          des autocollants avec des mots gentils dessus à coller un peu partout !

–          mon carnet du syndiqué à la CGT,

–          des aimants achetés à New York et que je ne me résous pas à apposer sur mon frigo ;

–          un carnet d’écriture que m’a offert mon amoureux,

–          une bibliographie à l’attention des enfants, qu’a réalisée une amie, brillante dans sa spécialité, intitulée « petites casseroles et grandes marmites »,

–          la présentation d’une exposition « Homme – Femme , de quel sexe êtes-vous ? » vue à Nancy et que j’aimerai bien faire venir ici, dans le cade du planning familial,

–          deux autocollants « Car Grip Film » et « Cinécam », souvenirs d’une autre époque,

–          un ticket de métro vert, bien usé…

–          un paquet de cigarette « Benson Hedges » et un briquet, qu’un ami m’avait donné quand il a décidé d’arrêter… depuis, il a repris… Dommage…

–          un currriculum vitae et une lettre de motivation que je n’ai jamais pu faire passer,

–          la copie d’un courrier, daté du 8 novembre 1944, sur lequel je travaille afin de ne pas oublier quelle a été ma famille, mentionnant : «  Nous soussigné, Lt Colonel Journet, Cdt la subdivision militaire de Rodez, certifie après enquête que le nommé Michel XXXXXXXX, faisait partie de la résistance. Le 25 juillet 1944, il a été arrêté par 3 officiers de la Gestapo, conduits par une dénonciation. S’étant montré réticent pour suivre ces individus, il a été abattu sur place. »

–          Un formulaire de recommandé avec accusé de réception… sur lequel il me suffirait d’inscrire « Monsieur le Président »… Car ils m’ont retourné le cerveau… La lettre est prête, il me suffit de la signer et de coller sur l’enveloppe ce recommandé et d’inscrire dessus « Monsieur le Président… »…

Sur les étagères, il y a des photos encore :

–          Une photo de ma grand-mère,

–          une photo de moi avec Hubert Rives,

–          une photo d’un ami…

–          Des photos du rugby qui datent de plus de dix ans maintenant et qu’il faut que je donne à Ludovic si je le vois au Rugby aujourd’hui…

Et derrière mon bureau, il y a des livres qui parlent de tout.

Il y a des livres sur les lieux et les villes où je suis allée, lors de mes voyages.

Des livres sur la société, sur le féminisme, l’égalité des droits homme/femme.

Des livres qui traitent de religion (de toutes les religions), de politique, de sociologie, d’écologie, d’analyse des médias, de désobéissance civile…

Beaucoup de livres d’histoire (j’adore l’Histoire), de cinéma et de photographies.

Des livres sur les roulottes tziganes (ceux qui me connaissent savent pourquoi).

Des romans, des essais…

Et finalement, grâce à tout cela, je sais qui je suis… Je suis tout ça réuni…

Une femme engagée, fière d’avoir des opinions, de les faire savoir, de les défendre.

Une femme qui aime la vie, la culture, les livres, la musique, le cinéma.

Une femme qui n’a jamais cessé de travailler son esprit critique, de débattre, d’inciter au libre arbitre.

Une femme qui a envie de faire avec les autres, qui se soucie des autres.

Une femme qui se remet en question et qui essaie de s’améliorer chaque jour qui passe.

Une femme à qui on a appris la tolérance, la défense de la justice, le combat contre l’injustice,

Une femme qui n’oublie pas…

Je suis tout ça, intègre et incorruptible, avec mes qualités et mes défauts, avec mon envie de trop bien faire, mais au moins avec cette envie de faire, de ne pas subir, de ne jamais me résigner.Je suis tout ça avec aujourd’hui ce profond sentiment d’injustice face à ce qu’on me fait.

Je ne suis donc rien de tout ce qu’ils disent. Il ne faut pas que je perde de vue ça… Je ne suis rien de tout ce qu’ils disent.

Merci mon ami, qui a pris le temps de m’écrire que même en une phrase tu pouvais avoir compris la souffrance dans laquelle je me trouve. Merci de m’inciter à me retrouver.

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L’Heure Bleue

C’était un soir de juillet, fin juillet plus précisément…

J’étais invitée à cette fête sur une péniche, près du Pont Marie. Le travail m’avait épuisée, mais il fallait que je traine ailleurs pour me changer les idées. Je devais y retrouver des collègues pour la soirée. J’avais fait un effort en enfilant une robe, toute simple. Une robe d’été.

Nous travaillions de nuit, finissions vers le début d’après-midi et j’avais l’impression qu’il allait faire nuit alors que nous n’étions qu’en fin d’après-midi.

On se retrouve, il y a du monde. Je sens déjà que l’ambiance va être chaleureuse et donc que la soirée sera agréable et réussie. Les heures passent, je suis légèrement grisée, la conversation bat son plein, nous rions beaucoup, je suis bien. J’allume une cigarette et cherche un endroit pour m’isoler. J’apprécie ces moments pendant lesquels, seule, je peux arrêter le temps, juste un instant, et profiter du calme.

Je me rapproche du garde corps à l’arrière de la péniche en regardant Notre Dame. Je me rappelle de ce moment parce que c’était tout juste l’heure bleue.

« On se connaît je crois… »

Je sais, j’ai le chic, même en étant à l’autre bout de la planète, de démontrer que le monde est petit… Il me faisait penser au petit garçon qui courrait dans ma rue quand, moi aussi, j’étais encore une enfant. J’ai trouvé la tentative d’approche un peu trop grossière, cavalière. Alors, comme à mon habitude, je n’ai pas pris soin de tourner la tête, et sans le regarder, je lui ai répondu, froidement, sauvagement : « Non, je ne crois pas » J’ai fini ma phrase en lui souhaitant une bonne soirée. Je  suis sauvage et insolente, c’est comme ça… Et j’ai tourné les talons pour aller me commander un autre mojito, sans me retourner…

J’étais assise au bar et je regardais la barmaid piler la glace qu’elle allait mettre dans mon verre.

Il faut une sacrée dose de courage pour tenter une seconde approche après les camouflets que je suis capable d’asséner. C’est comme ça, je n’aime pas qu’on m’approche de trop prés. Au milieu de la fumée de cigarette, c’est son parfum que j’ai reconnu. Il s’est installé sur le tabouret, à côté du mien. Il a commandé une bière. Il devait être bon comédien parce que grâce à sa mine défaite la serveuse lui a demandé si ça allait. Il lui a répondu que les femmes étaient dures parfois.

Ca m’a fait sourire. J’ai tourné la tête… Et, en soufflant ma fumée de cigarette, je lui ai proposé de recommencer…

Plutôt que de reprendre la conversation où il l’avait laissée, il m’a parlé de cette fille, sur la péniche, dans sa petite robe d’été qui a passé des heures à fumer clope sur clope, entre deux éclats de rire. Il m’a raconté qu’il la trouvait mystérieuse au point qu’il ne pouvait pas faire autrement que s’en approcher quand elle s’est isolée dans un endroit calme du bateau, et que la luminosité à ce moment là aurai pu rendre leur rencontre magique, mais que ça n’avait pas marché… Et que les femmes étaient dures parfois.

Et là, je lui ai parlé de l’heure bleue. A compter de ce moment, nous n’avons cessé de parler et de rire, toute la nuit, jusqu’au lendemain. J’ai regardé ses mains, et la couleur de ses yeux, bleus… J’ai reconnu cet invariable regard, celui qui disparaît au petit matin. Je me suis dit que finalement, je pouvais l’écouter parler toute la nuit comme ça, que ça ne me coutait rien. Je sais maintenant que la moitié de ce qu’il m’a dit n’était pas vrai mais s’il ne l’avait pas fait, je n’aurai pas autant ri… et l’illusion n’aurai pas été parfaite. Je me suis, en somme, enivrée de notre conversation.

La soirée s’est écoulée simplement, puis au milieu de la nuit, une fois les effets de l’alcool un peu estompés, j’ai eu froid. Il a enlevé sa veste, l’a posé sur mes épaules et m’a enlacée. Et voilà…

C’était lui et moi, un soir de juillet, tendrement enlacés, comme une douce évidence… Comme si le lendemain, on pouvait tout oublier.

Je l’ai rencontré à un moment de ma vie où il ne fallait pas essayer de me retenir. Il a tout essayé mais je l’ai laissé à une autre. Il avait tout, et il m’aurait tout donné si j’avais accepté de changer. Mais je ne tiens pas en place ! Et j’étais en quête d’autre chose. J’avais des projets plein la tête et lui commençait sa vie. C’était incompatible. J’aurai pu rester, mais rester par amour je ne savais pas… Il était ce temps-là  où l’amour ne pouvait exister que dans mes rêves. Je ne voulais pas de l’amour dans ma réalité.

Je préférais fermer les yeux et imaginer son visage, son sourire, son regard et peut être encore sentir son odeur, entendre le son de sa voix me répéter qu’il m’aime, même si ce n’était pas vrai. Je ne voulais pas le perdre un jour pour une banalité, une bêtise ridicule qui aurai fait de notre histoire routinière et conventionnelle la plus fade de toutes mes histoires.

Ce que j’aimais dans notre histoire est finalement ce qui m’a décidé à partir. Il y a eu bien trop de rendez-vous manqués, de départs précipités, de baisers volés sous les portes cochères, de mensonges téléphoniques et d’attentes interminables.

Quand je suis partie pour de bon, lui a gardé son calme légendaire. Il n’a pas sourcillé en me voyant partir. Il n’a essayé de me retenir que par un simple geste de la main. Mais cela ne suffisait pas… Je sais aussi maintenant que c’est sa façon d’avoir mal, en toute discrétion…

Et si je le revoyais, je ferai quoi ? J’aurai peut-être cette attitude d’indifférence nonchalante pour ne pas retomber dans le doux piège dans lequel nous nous étions laissés attirer.

Et lui, que ferait-il ? Il serait charmant, comme d’habitude, poli, aimable, bien trop élevé pour faire le moindre écart ! Il garderait son sérieux, le discours serait prolifique et insignifiant. Il regarderait sa montre de temps en temps. Il parlerait de tout, de rien, sensible à tous les sujets de société, détendu… Il ne ressemblerait plus jamais à l’homme que j’ai aimé. Alors que finalement, c’est peut être lui qui m’a appris à être un petit peu romantique…

Parfois, quand je peux, je traîne du côté du Pont Marie et j’attends l’heure bleue.

J’attends une voix, un sourire, un regard, un geste de tendresse, comme ce soir de juillet où il m’a embrassée pour la première fois, un soir d’anniversaire, alors que tout le monde était parti et que l’alcool nous a emmenés vers des tentations que je n’aurai moi-même jamais imaginées.  Il faisait chaud, nous étions seuls au monde au milieu de tous ces promeneurs nocturnes des quais parisiens. Il m’a prise dans ses bras, a sourit et m’a embrassée.

Comme dans un rêve. Je revois le réverbère qui a éclairé ce baiser, parfois je m’arrête à côté et je fais défiler mes souvenirs. Je revois le taxi qui filait dans les rues de Paris, les lumières de la ville, et la pudeur qui régnait quand il a poussé la porte de sa chambre d’hôtel.

J’entends encore les chansons de Ben Harper, je sens la chaleur de sa peau tout contre la mienne. J’entends le frémissement de ma petite robe d’été tomber le long de mon corps.

Je me souviens de tout, comme si c’était hier, et pourtant, jamais je n’aurai pu croire que ce ne serait que le début, que ce serait autre chose…

Cela doit être ça, la magie de l’heure bleue.

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