26 juin 2010
De tes mains nues…
La nuit dernière, j’ai rêvé de toi et de tes mains encore nues…. Quelque secondes de mon rêve, une minute peut-être, où tu étais là… Quelques secondes de ta présence qui m’ont fait oublier le rêve dans son entier.
Je me rappelle l’affluence des visages familiers et ma lassitude des mondanités, ennuyée par ce monde trop austère auquel je ne m’appartiendrai jamais.
Je me rappelle de cette soirée, de ce long couloir obscur dans lequel je m’étais engagée, trop curieuse de savoir où il allait me mener, la volupté du bouquet de rose rouge posé et la lueur scintillante des bougies sur le guéridon.
Je me rappelle une caresse descendre hâtivement l’intérieur de mon bras, et avec à laquelle tu m’as retenue d’avancer. Je me rappelle ne pas avoir cru te reconnaître et m’être sauvagement défendue contre ce geste que j’ai estimé intrusif. Je me rappelle le mur contre lequel, tout en délicatesse, tu m’as stoppée, isolée, et l’exquis bruissement du tissu des rideaux en velours rouge dans mon dos.
Je me rappelle de tes mains nues posées sur chacune de mes hanches et de la force tranquille qui m’a attirée vers toi. Je me rappelle ne pas avoir eu assez de courage pour lever les yeux vers ton visage. Je me rappelle de ta main qui est venue te perdre dans les nœuds de mes cheveux et redescendre dans mon cou. Je me rappelle une infinie tendresse dans ce geste-là.
Je me rappelle quand, d’un mouvement doux, tu as, du bout des doigts, relevé mon menton vers toi, en me disant « regarde-moi » alors que je ne pouvais pas. Nous étions alors inconscients de nous mettre tout à coup en danger…
Je me rappelle les chandeliers partout dans la salle qui dégageaient ce halo de lumière, nous conservant dans la pénombre pour les autres, nous rendant invisibles à leur curiosité alors que je voyais leurs regards qui ne cessaient de te chercher…
Je me rappelle le baiser que tu m’as donné à ce moment-là, juste à la commissure des lèvres, comme s’il était volé, raté… Je me rappelle qu’après ça, j’ai enfin pu te regarder, te défiant inconsciemment : « Tu vois, même ça, tu n’y arrives pas… »
Je me rappelle du bleu de tes yeux à cet instant précis, et d’un désir dans ton regard que, peu de fois, j’ai pu voir. Je me rappelle que là, juste là, à nouveau tu m’as embrassée, soudainement, passionnément… Je me rappelle ma respiration saccadée, la douceur de tes lèvres, le goût de ta bouche, la chaleur de ton haleine, la douceur du tissus de ta veste, l’odeur de ton parfum, si proches tout à coup… Dans cet instant si furtif, envoutée par le plaisir et enivrée de la senteur des roses, poussés par cette trop séduisante et sensuelle attirance, j’ai eu l’impression de nous avoir retrouvés.
Je me rappelle de ta main encore nue relevant un pan de ma robe, remontant ma cuisse et se faufilant entre mes jambes. Je me rappelle aussi que c’est juste là que je l’ai attrapée pour la repousser, la rejeter, la chasser, l’écarter de ma vie.
A la fin de ce baiser, ton invariable et habituel silence fut la seule réponse à la question que je t’ai posée : « Comment peux-tu trouver satisfaisante cette façon de m’aimer ? »
Et comme chaque fois où tu me laissais seule en pleine nuit, éreintée, endormie, allongée dans le lit, tu t’es retiré, sans faire de bruit, sans un mot laissé sur l’oreiller, sans jamais admettre que tu ne pourrais pas me quitter, alors que j’étais encore envoûtée par l’odeur des roses rouges jetées sur le guéridon de l’entrée. Et mon rêve s’est terminé.
C’est étonnant que seuls mes rêves cachent des souvenirs de toi comme ceux-là…
(sur un bout de nappe en papier, 28 juillet 2006)